Conception graphique et montage : Jean-Marie Jolly

Histoires de frontière avec la Belgique  

    Après un numéro 14, presque entièrement dévolu à la boisson pour fêter la réouverture des cafés, restaurants et hôtels, ce 15e et avant-dernier journal entend fêter, avec un peu de retard, la réouverture de la frontière avec la Belgique.

    C’est avec beaucoup d’étonnement que nous avons aperçu, grâce à FR3 Champagne-Ardenne, sur les parkings des supermarchés ardennais frontaliers, des coffres de voitures de nos amis belges remplis, jusqu’à plus soif, de bouteilles d’eau minérale… qui, d’après les témoignages recueillis, coûtent trois fois moins cher qu’outre-Quiévrain ! La chanson de Bruno Pia renvoie à cette ruée…

    Mais, longtemps, le mouvement fut inverse, comme le montrent les deux articles sur la contrebande en un temps où le café et le tabac, moins chers en Belgique, étaient ramenés par des fraudeurs et fraudeuses. La bande dessinée d’Yves Kreztmeyer est très instructive sur ce point... Certes, sa contrebandière emprunte le Toré mais elle aurait pu tout aussi bien voyager avec le petit train qui allait de Monthermé à Sorendal-Bohan, dont nous racontons l’histoire.

    Une fois en France, il fallait bien boire le café et cela nécessite quelques objets rituels ! Ce café, le dimanche, accompagnait parfois la traditionnelle tarte au riz belge que découvre sans modération le commissaire Maigret à Givet…

    Pour rendre la pareille aux consommateurs belges, il nous a paru aller de soi de présenter la plate de Florenville, pomme de terre excellente. En l’achetant dès l’automne, vous rétablirez un peu la balance commerciale belge !

    Pour rester sur le thème de la frontière, mais cette fois-ci pour la défendre, nous avons traité des durs combats de Stonne, en 1940.

    Il y a une centaine d’années, le mois de juin était marqué par deux moments importants. Pour les « grands élèves », se déroulait le Certificat d’études que nous évoquons, grâce à Jean Clerc et Simon Cocu, de manière savoureuse. Pour les adultes, c’était le moment de la fenaison qu’il faut découvrir avec la très plaisante vidéo de chu-nous et l’objet insolite qu’était le crapaud.

    Enfin, il ne faut pas oublier d’écouter “Vesoul”, chanson sur les déplacements incessants et absurdes tout à la fois, interprétée par Joël Bougeard et la superbe parodie réalisée par “Les Goguettes”, pendant le confinement ! C’est un peu notre manière de vous offrir un petit bout de Fête de la Musique 2020, qui a été bien singulière...

  Jacques Lambert

 

Mercredi 24 juin 2020

Après 55 jours confinés, le 45e jour de déconfinement

     La double pensée du jour 

 

    J'admire comme les Belges parlent flamand en français.

Victor Hugo

    Les Belges sont de petits malins! Ils ont pris son appétit à l'Allemand, son sérieux à l'Anglais, son esprit au Français. Quant à moi, ils m'ont pris le cœur !

Sacha Guitry

   Commençons en chansons...     

 

BRUNO PIA

Les grandes surfaces

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LE BAL À JOJO

 Vesoul - Jacques Brel

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Vesoul, version du confinement !

 

 

Énormément de bonnes choses à regarder sur ce blog, en période de confinement ou non !

Lès Moulinées

 

  La fenaison  

 

   Travailler de très bonne heure était indispensable. La rosée facilitait la coupe de l'herbe ; une longue journée, dix heures au moins, débutait. (Les faucheurs des Alleux qui se rendaient à pied à La Cassine, distante de quinze kilomètres environ, partaient à 2 heures du matin et s'en revenaient vers 22 heures). « Toute la réussite tenait enfin à une indispensable régularité, celle de la cadence de travail. Comme on fauchait pendant plus de dix heures par jour, il n'aurait pas été raisonnable que le faucheur épuise ses forces, dès le début de la matinée. Son coup de faux devait, en fin de soirée, rester le même que celui du matin. Aussi savait-il ménager ses haltes ». Un arrêt revenait régulièrement, quand le faucheur donnait à sa faux un coup de pierre à aiguiser. Cette pierre à aiguiser dont nous avons déjà parlé se trouvait dans un coffin, biot, billon, qui pouvait être en bois, en zinc ou simplement corne de vache. Vers midi, quand l'herbe était sèche et cassait inutilement les bras, on mangeait et on s'octroyait une sieste plus ou moins longue. Le repas, comme la journée d'ailleurs, était arrosé de cidre que l'on gardait dans des gourdes en poterie, des crapauds. Voici le portrait d'un faucheur de Jandun par André Jolly ; l'anecdote est postérieure à la guerre 1914-18 mais vaut aussi pour les années qui nous intéressent. « J'étais gosse, et Laurent fauchait pour mes parents un pré, pas très grand. Tout seul, cette fois, il était en route depuis le petit jour, et quand je suis passé près de lui en ramenant les vaches, vers 7 heures, il ne lui restait plus qu'un andain, un peu plus d'une demi-heure de travail. - Ça va Laurent ? - Ça va, garçon. Mais ça pourrait aller mieux tout de même. - Qu'est-ce qui ne va pas ? - Ben, j'nai pris qu'une cocole ce matin. Et ça fait rudement longtemps qu'y n'en est plus question. - C'est-y la peine d'aller t'en chercher une ? - Garçon, c'est toujou la peine quand y s'agit d'aller qu'ri (chercher) à boire. Oh, pas besoin d'une grande cocole. Faut se raisonner. Mais on en boira ben une petite. J'vas t'dire mieux, garçon. J'ai tellement soi (soif) que j'nai jamais eu si soi. Et je n'finirai pas sans boire. Si tu n'vas mi m'qu'ri une cocole, j'arrête.

    Dix minutes après, j'étais là avec une cocole de trois litres. - Tu sais, Laurent, tu me l'as fait apporter, mais faut la boire. - T'en fais pas garçon, j'aurai pas besoin qu'on m'montre. Là-dessus Laurent a posé la faux, il a décroché le billot et déroulé complètement la ceinture. La grande ceinture de flanelle rouge qui faisait six fois le tour du corps et qu'on ne quittait jamais crainte des coliques. Puis il a choisi un fossé un peu en remblai, et le soleil au dos, les jambes allongées, bien calé des reins et la nuque à plat sur l'herbe. Alors il a attrapé la cocole, il a fermé les yeux, et en avant ! Tant qu'il y en a eu, tant qu'il a bu. - Rrra ! garçon, qu'il a dit après, il est un peu dur ton cidre, mais y a rien d'tel qu'un cidre un peu dur pour ben dessoiler (rafraîchir). Ça commence à aller mieux... Attendez, c'est pas tout. Laurent a fini son andain en moins d'une et il a redescendu avec moi. En passant devant la ferme : ...As-tu soif, Laurent, lui crie ma mère, moitié pour s'foute de lui, parce qu'elle m'avait vu emporter la cocole, moitié par politesse, parce que c'était l'usage d'offrir un verre à un manouvrier qu'a fini un travail. - C'est pas qu'j'ai soi. Mais y a jamais besoin d'avoir soi pour boire un verre. J'ai été remplir la cruche, la grande. Laurent s'est entré. Y s'est assis, il a bu, il a causé. Puis il a r'bu, tout en causant. Nous, manière de rire, on a compté. Il en a r'bu quatorze verres... »

    Lorsque le pré était fauché, le travail des femmes commençait. A l'aide de fourches à trois dents et de râteaux de bois, elles retournaient le foin qui dégageait une odeur agréable, elles le mettaient “à roule” le lendemain, puis, en petits amas, “fanettes”, “furiaux”, “buirettes”, “beurriau”, “buriau”, “burette”, “bureau”, etc. selon les patois. Pour Millet, les femmes utilisaient des fourches à 3 ou 4 dents et des bayards (larges râteaux à 32 dents) appelés aussi diables. Lorsque le foin était sec, on le ramassait en petites meules hémisphériques, les “bureaux”. Il ne restait plus qu'à charger les lourdes charrettes ; l'homme, resté en bas, tendait au bout de sa fourche le foin que sa femme entassait en lits. Derrière le véhicule, la bayardeuse suivait avec son large râteau pour faire place nette. Le convoi s'en retournait alors ; lorsque des côtes difficiles se présentaient, les chevaux avaient l'autorisation de souffler un peu à partir du moment où une bûche, placée derrière une roue, empêchait à l'équipage de redescendre la pente. À la ferme de la Haute-Maison, le foin était réservé pour les chevaux, lorsqu'on avait pu le rentrer dans de bonnes conditions. Si la pluie l'avait par trop mouillé, il était utilisé comme le regain pour les vaches et les bœufs, soit à l'état naturel, soit haché.

    Extrait de Jacques Lambert, Campagnes et paysans 1830-1914, Éditions Terres Ardennaises, 1988, 584 pages.

Format 17 x 22

Relié, toilé sous jaquette,

586 pages plus un cahier en quadrichromie.

43,45 € franco

     Le Certificat d’études juste avant la Seconde Guerre mondiale

 

    En cette fin d’année scolaire quelque peu bouleversée depuis la mi-mars, l’organisation des examens, en particulier ceux du brevet des collèges et du baccalauréat, n’a pas été facile à mettre en place, c’est le moins qu’on puisse écrire !

    Nous allons revenir, grâce aux témoignages1, forts et émouvants, de Jean Clerc et de Simon Cocu, sur cette institution, créée le 20 août 1886 et décédée le 28 août 1989, que fut le Certificat d’études primaires. Ils sont illustrés par la couverture et un extrait d’un livre de révisions, que nous avait confié un ami de Terres Ardennaises, le regretté Denis Sauvage.

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 La préparation

     «  Le père Compas avait donc la classe du Certificat d’études, dans laquelle il y en avait un, vraiment, il avait 14 ans, on ne l’avait jamais présenté au Certificat. Et le père Compas lui promettait : Je te garderai. Peut-être bien que cette année, on te présentera ? Il avait donc gardé le Jean. Et un jour, il a envoyé le Jean au tableau, alors qu’ils faisaient une dictée d’entraînement, les autres sur leur cahier et, lui, sur le tableau. Bien sûr, il commettait des fautes grossières, des choses inimaginables. Il comprend, je pense, et v'là le Jean qui, tout d’un coup, a un coup de rébellion, un coup de sang, il dit Merde au père Compas. Oh ! Sophocle, les grandes tragédies, ce n’est rien à côté ! C’était impensable de dire un truc comme cela. Lui-même était sensible au fait qu’il venait de déclencher une catastrophe… Alors, le père Compas : Dehors, alors que je te garde, dehors, je ne te présenterai pas au Certificat d’études ! Rentre chez toi, je ne te veux plus à l’école. L'autre était en larmes et, nous, nous étions glacés. Jean sort sous les imprécations de Compas. Il y avait comme un balcon sur la cage d’escalier, Compas lui “gueulait” de descendre, mais, quand Jean est arrivé à un bon tiers de l’escalier, il l'a rappelé : Allez, va, reviens ! Comme à la fin des grands films sentimentaux, terrible, terrible ! Il lui a pardonné immédiatement. Il était sans rancune. Là, par contre, nous avons été subjugués – nous étions des gamins –, nous avons été sensibles à une grandeur d’âme, parce que vraiment…  Compas ne l’a jamais présenté au Certificat d’études, puisque c’était en 40 et que la guerre a éclaté. (Jean).

Réussir brillamment !

    « Il y avait le Certificat, que j’ai passé à 12 ans, en 1936-37. Je me rappelle que le père Dervin m’avait fait mettre ma table tout contre son bureau et me disait : Regarde le gros veau qui roupille. Il établissait une connivence entre nous. Des élèves étaient parfois mis sur la touche, car leur maître était persuadé qu'ils échoueraient. Pour nous préparer à l'épreuve de chants pour le certif, le directeur était incapable de chanter. Alors, il se servait d’un phono pour qu’on puisse apprendre les chants.

    Je l'ai passé à Nouzonville, j'étais descendu en Toré. Il y avait un mur de séparation entre garçons et filles, mais l'examen s’est passé le même jour à la même heure.

    Cela durait une journée puis les résultats étaient donnés le soir. On savait qu’il y avait un banquet pour les instituteurs, alors ça tardait quelquefois pour reprendre les épreuves de l’après-midi, pour les matières dites secondaires : récitation, chant, gymnastique. Le père Dervin, le directeur d’école, un entomologiste réputé, membre de la société d’histoire naturelle connu, sentant que je pourrais décrocher la timbale, m’a accompagné, il était là à côté de moi en soutien quand j’ai chanté : Combien j'ai douce souvenance

    En dessin, j’ai eu à peindre une digitale. La chanson aussi, je me rappelle, mais, pour la dictée et le calcul, je suis incapable de dire.

    J'ai été premier du canton et j'ai reçu un livret de Caisse d'épargne avec 20 francs, mais ceux qui venaient derrière moi, qui étaient de Nouzon, avaient été plus richement dotés. J’ai su après que c’étaient des prix qu'offraient les délégués cantonaux. Or, des délégués cantonaux étaient plus généreux que les autres,  comme le député-maire Lareppe de Nouzonville. Il régnait une plus grande générosité à Nouzon si bien, qu'étant le premier, j’ai pourtant eu le prix le moins élevé. Le troisième était le fils du député-maire, Jean Lareppe, on est restés très copains longtemps. Plus tard je me disais, c’est pour cela que le père Dervin m’a accompagné à l’oral, parce qu'il avait peur d'une entourloupe. Quelle mauvaise pensée !

    On aurait pu acheter une médaille pour remonter… Cela s’achetait chez le marchand de journaux ou chez les papetiers. C’étaient des médailles pour le Certificat d’études. J’aurais dû en acheter une théoriquement, repartir en train puis remonter le village en cortège, pour montrer à la population… Je n’ai pas eu ce privilège-là, puisque nous sommes remontés à pied.  Ma mère m’avait dit : Il se fait tard déjà, qu’est-ce qu’on attend là ? On ne va pas attendre le petit train, on va s’en aller à pied. De Nouzon, tout seul avec elle, on est rentrés à pied. Alors que les autres, avec leur médaille et tout cela, rentraient en train en faisant les marioles. J'ai dû obéir… On m’apprenait l’humilité. On économisait déjà deux tickets de train. Mon père trouvait cela un peu naturel, ma réussite au Certificat, c'était un peu normal. Il n’y avait pas à en faire un plat. Il avait raison, parce que ce qui comptait, c'était de nous faire continuer les études… C’était autrement sérieux qu’une médaille ou … Puis, ma grand-mère m’a payé un vélo, ah ! c'était cher : plus de 500 F, une belle récompense…

    Plus tard, quand j’ai passé le bac, rien, pas un mot de félicitation, rien. J'ai passé le concours général en mathématiques, pareil, mon père ne s'est inquiété de rien. C’était naturel. » (Simon).

     Précisions de Simon dans une autre partie du livre : « J'ai eu un vélo pour le Certificat d’études. Mon frère en avait eu un, donc... Je me souviens de son prix : 550 francs. C’était plus que la moitié du salaire de mon père, mais c’est ma grand-mère qui l’avait payé. On l’avait acheté chez un copain à mon père, un bon ajusteur-mécanicien qui s’était mis à son compte, il réparait les vélos et tout,  il habitait à Rogissart. »


1 Jacques et Elisabeth Lambert, Enfances de “Vaillants”, Jean Clerc, Henriette et Simon Cocu, Raymonde Roger, Éditions Terres Ardennaises, 2012, 288 pages.

 

   Se promener avec Terres Ardennaises
 

      Nous étions… sur l’aire des Ardennes (A34 Sortie 14)

        

    Éric Sleziak, enfant de Bogny-sur-Meuse, s’est lancé il y a plus de 30 ans dans un projet qui compte1: « L’aventure commence le 1er janvier 1983, un lendemain de soirée bien arrosée quand j’ai décidé de montrer aux cons de quoi j’étais capable ! Il y en a qui traversent l’Atlantique à la rame ! »

    11 ans plus tard, « Woinic est né de l’addition des premières syllabes de Woidouche et de Nicole, le prénom de sa mère. » Le “bébé” est colossal : 8,5 m de haut, 14 de long et 5 de large, et son accouchement s’est étalé sur 11 ans, nécessitant 12 000 heures de travail ! Éric Sleziak a utilisé « un peu plus de 50 tonnes de métal (il pèse les morceaux avant de les assembler), 430 bobines de fil qui se transformeront en 6,5 tonnes de soudure, 325 bouteilles de gaz (…) ».

    En 20082, Woinic prend la route pour l’aire de Faissault/Saulces-Monclin : le 5 août, il va de Bogny-sur-Meuse à Renwez, le 6 au soir il est à Signy-l’Abbaye et le 7, il arrive à destination. Pascal Chagot qui a photographié ce périple a confié : « Pour moi, les jours précédant le 8/8/08 ont été un événement extraordinaire auquel je n’avais jamais assisté ! Je pense qu’un tel engouement se rencontre peut-être au passage du Tour de France, mais de manière différente. J’ai ressenti physiquement la liesse populaire, la joie qui animait toute une population massée le long du parcours pour voir cette “bête de métal”. Tant de fois apparue dans la presse locale, elle allait dorénavant marquer de son imposante statue une des entrées du département. »


1 Jacques Lambert, « Éric Sleziak, de Lustucru à Woinic, ou l’histoire de deux colosses ! », in Bogny-sur-Meuse, Du passé à l’avenir,  livre collectif, Éditions Terres Ardennaises, 2007, 159 pages.

2 Jacques Lambert, « Woinic » in La cuisine du sanglier des Ardennes, Françoise Thomas, Éditions Terres Ardennaises, 2015, 131 pages.

 

Où sommes-nous ?

 

    Un douanier ardennais, inventeur astucieux, Jean Victor Risse

    J.-F. Beaufrère a écrit un article1 sur Jean Victor Risse, dont nous extrayons tous les renseignements ci-dessous. Les illustrations nous ont été confiées par son petit-fils, Jean-Claude Risse, un des auteurs réguliers de notre revue.

    Jean Victor Risse est né le 30 septembre 1868 à Stenay et il a effectué une longue carrière dans les douanes : du 1er janvier 1893 au 1er août 1923.

    Dès le début du XXe siècle, un avocat de Rocroi, François Cazin, constatait : « Souvent, j’ai vu la brigade de service sortir de Rocroi pour aller se mettre en embuscade dans les lieux les plus cachés et les plus difficiles et par les temps les plus affreux. Leur accoutrement consiste en une peau de mouton, des guêtres de peau de chèvre, une longue natte de paille roulée sur un léger chevaler qui lui sert de bois de lit. »

    Vers la fin de ce siècle, la brigade d’embuscade était composée de deux hommes : alors que l’un surveillait, l’autre se reposait sur un lit d’embuscade, appelé aussi “bazar”, et qui lui appartenait !

    Il l’avait certainement acheté auprès de Jean Victor Risse dont la carrière se déroula presque entièrement dans les Ardennes, et qui, rapidement, s’était fait constructeur de lits dont il vantait les qualités grâce à des cartes postales publicitaires…

    Jean-Claude Risse avait fourni à J.-F. Beaufrère des précisions sur le matériel construit par son grand-père.

    « [Il] faisait tourner les pieds des lits chez un tourneur sur bois, installé place Picot, maintenant place Bozzi. Il achetait et cousait de peaux de mouton ainsi les sacs de toile.

    Le lit est construit en petits liteaux de chêne de 2 cm par 3 de section. Les assemblages d’angle sont soigneusement réalisés par mortaisage.

    Les pieds tournés, qui semblent être la marque des lits fabriqués par Risse, sont en bois plus tendre. Les parties charnières sont métalliques ;

    La largeur de l’ensemble est de 39 cm. La longueur totale est de 190 cm. Le lit replié n’excède pas une longueur de 70 cm sur 30 cm de haut.

    Le cordage est en chanvre. Une peau de chèvre est fixée sur la partie haute (buste) et sur la partie médiane (assise).

    Selon le témoignage recueilli, ces lits étaient à l’origine peints de couleur mauve. » 

Jacques Lambert

    Nous avons publié dans les numéros 40 et 44 de Terres Ardennaises quatorze articles sur la contrebande dans les Ardennes, une activité “populaire” dans un département frontalier avec la Belgique où deux produits courants, le tabac et le café, étaient moins chers.

    À Gespunsart, Neufmanil et Nouzonville, c’était d’abord une nécessité – devenue au fil du temps une tradition ! –, quand les quinzaines des ouvriers étaient bien maigres !

    Voici en intégralité l’article de Michel Tamine (n° 40) sur le vocabulaire de la fraude qu’il a récolté à Gespunsart et la savoureuse histoire (n° 44) de la belle contrebandière du Toré, dessinée par le regretté Yves Kretzmeyer2.

    Ces deux numéros sont encore en vente !


1 J.-F. Beaufrère, « Les lits d’embuscade du préposé Risse », in Terres Ardennaises, Frontières (2), n° 44, octobre 1993.

2 Jacques Lambert, « Yves Kretzmeyer, un compagnon de route sur les chemins de l’Histoire ardennaise », Terres Ardennaises n° 147, juin 2019.

 

Lire Michel Tamine :

« Petit vocabulaire de la fraude », Terres Ardennaises n° 40,  octobre 1992,  pages 22-23.

 

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Lire Yves Kretzmeyer :

« La belle contrebandière et le “TORÉ” », Terres Ardennaises n° 44,  octobre 1993,  pages 22-25.

 

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     Le train de la Semoy

 

Collection Dominique Mézières

 

 

 

     S’appuyant en partie sur le livre très complet d’Hubert Mozaive, Les Ardennes en PETITS TRAINS de 1865 à nos jours, Éditions Sopaic, qui est épuisé mais qu’on peut parfois trouver chez les bouquinistes ardennais ou sur Internet, Wikipédia1 décrit ainsi cette ligne :  

    « Monthermé-Est-Laval‑Dieu – Tournavaux – Haulmé – Thilay – Naux – Nohan – Les Hautes-Rivières – Sorendal – Bohan (Belgique). 

   De Monthermé à Bohan, la ligne suit la rivière du côté nord. Le 19 octobre 1901, la ligne est ouverte jusqu’à Hautes-Rivières et le 1er mai 1914 jusqu’à Sorendal. La liaison avec la Belgique vers Bohan n’est ouverte qu'à partir du 17 octobre 1938. Les trains CA n'ont jamais roulé plus loin que Sorendal. Les vicinaux belges, de leur côté, n’ont atteint Bohan qu’à partir de 1935, après de lourds travaux : un tunnel de 220 mètres et deux ponts. Dès le début des hostilités, le trafic international a été interrompu et n'a jamais repris après la guerre. Entre Bohan et Membre, les ponts et le tunnel ont été détruits lors du retrait des Allemands et n'ont jamais été reconstruits (22,6 km ; la partie française a été fermée en 1950). »

    Mais la personne qui s’est penchée pour Wikipedia sur les petits chemins de fer départementaux des Ardennes a malheureusement ignoré nos travaux…

 

Collection Dominique Mézières

    Nous vous offrons l’article d’Agnès Paris intitulé « TRAINS DE LA FORGE, TRAINS DE LA SEMOY » ainsi qu’un album de huit cartes postales provenant, comme à l’habitude, de Dominique Mézières. Une précision pour cet album, les vues 2, 3, 4 et 5 ne sont peut-être pas placées correctement dans l’ordre, faute de connaître suffisamment le terrain !


1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Chemins_de_fer_d%C3%A9partementaux_des_Ardennes

 

Lire Agnès Paris :

« TRAINS DE LA FORGE, TRAINS DE LA SEMOY », Terres Ardennaises n° 19,  juin 1987,  pages 18-21.

 

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     Un mot d’Ardenne : èl bèdot

 

    

    Nous voici donc libérés du confinement, et l’un des symboles de cette liberté reconquise, c’est la réouverture des cafés, où il sera donc à nouveau possible de boire… un café. Le mot qui désigne la boisson est devenu tellement populaire qu’il s’est imposé à l’établissement où on le distribue : ces glissements de sens auxquels les grammairiens ont donné le nom de « métonymie » sont constants en français, et le bureau a d’abord été une étoffe (de bure), puis un tapis de table, puis la table ou le meuble sur lequel on écrit, puis la pièce qui contient ce meuble, puis les personnes qui y travaillent… Quant au café, le lieu, il est si cher au cœur des Français que, dès 1939, le poète Léon-Paul Fargue, déambulant dans Paris, redoute sa disparition, dans une complainte convoquant d’intéressants synonymes, qui, comme tous les synonymes,  n’en sont pas vraiment : « Les cafés de Montmartre sont morts. Ils ont été remplacés par des débits, des bars ou des grills. Je connais pourtant un petit bistrot, un bois et charbons, où le bonheur et le pittoresque se conçoivent encore. » Mais le café, boisson, possède aussi ses synonymes : le petit noir est tiré du nom de sa couleur (comme le jaune ou le petit jaune à l’heure de l’apéro) ; le caoua, que les dictionnaires décrètent « argotique » ou « populaire », a conservé la forme qu’avait le mot lorsqu’il a été emprunté à l’arabe qahwa. À ceux-ci, les Ardennais, qui vouent un véritable culte à cette boisson, peuvent en ajouter un : c’est l’bèdot.

èl bèdot

    Dans sa grande enquête du début du XXe siècle, Charles Bruneau l’avait trouvé en usage à Braux et connu à Joigny ; et des instituteurs qu’il avait sollicités pour compléter ses enquêtes lui avaient indiqué son existence à Château-Regnault, à Tournavaux et aux Hautes-Rivières.On peut glaner çà et là quelques bribes supplémentaires : à Guignicourt, bèdot désigne le café noir (que les Ardennais distinguent du café blanc, dans lequel ils ont ajouté du lait) ; mais, à Givet, le même mot s’applique à une mauvaise boisson, et plus précisément une mauvaise bière… A. Vauchelet ajoutait une précision intéressante parce que localisée : « Bédot, n.m., Tasse de café (à Nouzonville). » Ainsi formulée, la définition suggère qu’il s’agit d’une tasse pleine de café ; mais Jean Clerc, que ce mot, dont nous avons souvent parlé, intriguait, lui donnait un sens un peu différent : « Petit bol dans lequel on boit le café », et avec la sagacité qu’il avait pour les faits de langue, il pensait que le mot avait désigné le contenant avant de s’appliquer au contenu, bref encore une métonymie ! Quelle peut en être l’origine ? Le grand dictionnaire de Wartburg, qui a relevé le mot dans le tome 21, réservé aux origines obscures ou inconnues, rappelle pour mémoire une hypothèse fantaisiste formulée dans une page du Petit Ardennais en mars 1927 : « Boisson chère à la famille Bédot qui, autrefois, en faisait une grande consommation. » Mais le simple fait que le mot puisse désigner plusieurs boissons (café, bière ou autre) suffit pour disqualifier l’hypothèse. En revanche, l’observation de Jean Clerc peut nous mettre sur la voie d’une étymologie. Bien qu’on ne trouve trace de ce sens dans aucun document, bèdot a dû d’abord désigner la cafetière ou un contenant susceptible d’accueillir du café ou tout autre breuvage. Et si l’on accepte l’hypothèse, on peut le rapprocher d’une vaste famille à initiale bed-, bod- désignant des objets ventrus ou gonflés et aussi divers que : boudin, boudine (nombril), bedon (gros ventre), bedaine, bedondaine (cornemuse à large ventre), etc. Les cafetières anciennes  présentent en effet souvent un récipient ventru surmonté d’un cylindre droit contenant le filtre.

…fait à la minute

    Pour rester sur le thème de la cafetière, les Ardennais disposent d’un mot bien curieux pour la désigner, ils l’appellent minute ; il y avait bien des façons de confectionner le café, et le faire à la minute était peut-être la plus fréquente. Là encore, Charles Bruneau a recueilli le mot, à Gespunsart, Pouru-aux-Bois, Thonne-le-Thil, et, avec quelques variantes phonétiques, à Fumay et Fépin, mais avec le sens de « filtre en métal », dans lequel on déposait le café moulu. Et là encore, une métonymie a fait glisser le sens de la partie au tout : à Givet, minute désigne à la fois le filtre et son récipient. Partout ailleurs, à Gespunsart, à Nouzon(ville), à La Neuville-aux-Haies, aux Hautes-Rivières, à Guignicourt, c’est la cafetière. Mais d’où vient donc ce mot, et quel rapport entretient-il avec le nom que donne le français à la soixantième partie d’une heure ? Il vient de l’adjectif latin minutus, qui signifie « petit, menu », et appliqué au temps (qui passe), la notion de petitesse se traduit par celle de brièveté temporelle ; dans le vocabulaire de la marine, une minute, c’est un sablier qui mesure les demis et les quarts de minute. Et tout comme la cocotte-minute cuit les aliments en un temps record, la minute “filtre” était censée produire le précieux breuvage en une minute… La minute, c’est en quelque sorte la version ardennaise de l’expresso.

…ou au ramponeau

    Parmi les mille et une façon de faire èl bèdot, le ramponeau mérite une mention particulière : même s’il est tombé dans l’oubli aujourd’hui, il était partout en usage en Ardenne il y a un siècle, à tel point que c’est quasi le seul mot recueilli par Bruneau pour désigner le filtre à café : il était, précise-t-il, constitué par une sorte de poche en coton à mailles très serrées ; on y versait le café moulu, puis l’eau chaude ; mais déjà son usage se raréfiait en raison de la concurrence du filtre en métal, de la minute. À Gespunsart, le ramponeau était souvent constitué d’un vieux bas, et on l’a abandonné avant la Première Guerre mondiale, tandis qu’à Nouzon, il faisait l’objet d’une confection particulière et on l’a vendu dans les épiceries jusqu’à la seconde. Curieux mot que ce ramponeau ! Il résulte d’un autre type de glissement, celui qui consiste à donner à un objet devenu courant le nom de son inventeur, ou de celui qui l’a imposé ; les grammairiens, qui veulent toujours tout catégoriser, ont donné à ce type de glissement le nom d’« antonomase », et l’exemple consacré pour l’illustrer est souvent celui de poubelle, nom du préfet de la Seine qui a rendu obligatoire l’usage de l’objet à la fin du XIXe siècle. La langue française en possède des centaines. Ainsi, Ramponneau était le nom porté par un cabaretier parisien devenu célèbre vers 1760-1780, si célèbre qu’il donna naissance à une locution : « à la Ramponneau », signifiant « à la mode ». Sans doute confectionnait-on quantité de café grâce à ce type de filtre chez Ramponneau. Mais pourquoi son nom s’est-il attaché également, là encore dans des usages populaires, au coup de poing, le seul qui soit encore connu hors des limites des Ardennes et de la Wallonie ? Jean Ramponneaux, personnage aussi jovial que corpulent, fut caricaturé dans des jouets consistant dans des figurines à large base lestée de plomb, qui se redressaient toutes seules lorsqu’on les frappait, en leur infligeant des ramponneaux ! Pourtant Jean-Paul Vasset, grand amateur de mots pittoresques, qui leur consacre une chronique hebdomadaire dans le journal belge L’Avenir, propose une autre explication : « On se chicorait beaucoup au café Ramponneau. Après, la métonymie a fait le reste. Puisque le gnon caractérisait la maison, le gnon a pris le nom de la maison. » Bref, on navigue ici entre antonomase et métonymie… Quel périple !

Michel Tamine

Autour du café.

Objets collectionnés

par Jean Clerc.

Photos Pascal Chagot.

 

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    La propagande allemande pendant la Première Guerre mondiale

 

 

    Il fallait faire croire que la population ardennaise était en quelque sorte satisfaite de l'occupation allemande, qu'elle admirait les défilés militaires de l'occupant, allant même jusqu'à pavoiser.

    Prenez une loupe, la façade de la gare est rigoureusement identique, de même que les différents groupes de personnes au second plan. En revanche, ceux du premier plan ainsi que le tramway ont disparu, gommés, effacés ; à leur place on a collé une compagnie de fantassins, grossièrement, car bien que devant le groupe de Sedanais, ils sont plus petits qu'eux. Mais, le capitaine (provenant d'un autre collage) fait presque figure de géant.

Gérard Blondeau

NB : le même type de cliché truqué existe avec une vue de Raucourt.

Zoom sur l'horloge - La copie, à droite, perd en netteté mais l'heure est la même !.

   LE VERDUN DES ARDENNES

 

    Après avoir réussi la percée sur la Meuse puis son exploitation en direction de la mer, le Haut Commandement allemand veut se protéger face à une possible contre-attaque française d’envergure qui menacerait les arrières des Panzerdivisionen. La crainte d’un second miracle de la Marne comme en 1914 est encore vivace dans l’esprit de nombreux généraux allemands.

    Guderian décide de consolider la tête de pont encore précaire de Sedan en s’emparant d’une ligne de hauteurs boisées, située à une vingtaine de kilomètres au sud. Les troupes allemandes se heurtent alors à deux divisions françaises, les 3e DIM et 3e DCR, qui ont précisément reçu l’ordre de monter une contre-attaque à partir de la trouée de Stonne et de rejeter l’ennemi sur la Meuse.

    Mais la poussée allemande prend de nouveau les Français de vitesse et oblige le commandement à éparpiller les blindés de la 3e DCR afin de soutenir la défense. La contre-attaque projetée ne pourra donc avoir lieu et les combats à venir viseront à tenir la ligne de départ. Stonne devient rapidement l’épicentre de combats acharnés, faisant l’objet d’attaques et de contre-attaques répétées. Pour preuve, lors de la seule journée du 15 mai, le village change de mains six fois, sans qu’aucun belligérant ne parvienne à s’y maintenir durablement. 

    Les combats vont connaître une intensité inconnue jusqu’alors. Les troupes allemandes ont face à elles la 3e DIM, une division solide. Celle-ci bénéficie de l’appui d’une artillerie particulièrement efficace que les ländser vont apprendre à redouter. Et les chars lourds B1Bis des 41e et 49e BCC vont pouvoir démontrer dans le combat rapproché leur supériorité en blindage et en armement sur les panzers.

    Le matin du 16 mai, après avoir été une nouvelle fois rejeté de Stonne par une contre-attaque française, le régiment Grossdeutschland quitte le secteur. Pour cette unité d’élite, l’expérience est amère en raison de la perte de plus de 550 hommes. Elle est relevée, ainsi que la 10e PzD par les 16e et 24e ID, à qui on décrit l’ennemi comme fatigué et peu agressif. Appréciation surprenante si l’on considère l’âpreté des combats ! Les faits vont rapidement contredire ce jugement, comme en témoigne le commandant de l’IR 79 : « Les Français faisaient feu sans arrêt avec des mitrailleuses et l’artillerie. (…) Contrairement au jugement porté par la division, l’ennemi apparut comme très actif et vif dans ses observations. »  Et pourtant, la 3e DIM, qui a perdu 1/5e de ses effectifs, ne peut espérer être relevée. Elle n’est renforcée que par un unique bataillon, et va devoir affronter deux divisions allemandes fraîches et à plein effectif.

    Les 17 et 18 mai, de nouvelles attaques allemandes sont menées sur la totalité du front, du bois du Mont-Dieu au Mont-Damion. Les combats sont extrêmement violents et finissent souvent au corps à corps. Les troupes françaises parviennent néanmoins à maintenir leur ligne de défense, faisant même des prisonniers. Seul le village de Stonne demeure aux mains de l’assaillant, mais ce n’est plus qu’un champ de ruines. Dans les deux camps, les pertes sont lourdes. Une période d’accalmie relative va alors s’installer pendant plusieurs jours.

 

     En 1940, Stonne n’est qu’un petit village d’une douzaine de fermes. Depuis des siècles, l’intérêt stratégique du site, construit en haut d’une chaîne de collines très boisées, est connu. Non loin se dresse un promontoire, le « Pain de Sucre », extraordinaire observatoire naturel des alentours, dans toutes les directions et sur des kilomètres. Dès le 16 mai, de nombreux bâtiments sont en ruine et donnent une idée de l’intensité des combats qui s’y sont déroulés.

 

    Les 15 et 16 mai, les blindés de la 10e PzD sont chargés d’appuyer les attaques de la Grossdeutschland. Ce Panzer IV est l’un des engins détruits par le canon antichar du sergent Durand lors de la première attaque.

 

    Cette photo offre une vue des épaves d’engins allemands dans la rue principale de Stonne. Lors de la contre-attaque du 16 mai, L’Eure, char B1Bis commandé par le capitaine Billotte, se retrouve face à une file serrée de panzers à l’arrêt. Un à un, le char français va les engager et les détruire, en remontant la colonne en sens inverse.

Visitez le site et le musée  >>>> 

     Faits-divers, Le Petit Ardennais du dimanche 24 juin 1900, consultable sur le site des Archives départementales des Ardennes

 

Un métier disparu ou une escroquerie du passé !

 

Quand la contrebande menait à la prison 

 

Le Petit Ardennais, journal anticlérical militant !

AD 08 - Cote PERH44 / 41 - Le PDF du journal du jour : clic ici

    Le dessin d'Alain Sartelet

 

    “La maison forte de Mazée, sévère mais cossue, s'éveille lentement, un petit matin neigeux de l'an 1656. Un profond silence feutré de blanc règne dans la cour, tandis qu'à l'intérieur ronflent les feux des foyers...”

 Texte et dessin Alain Sartelet.

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Nous avons publié d'Alain Sartelet :

La principauté de Sedan. 21 x 30 à l'italienne. 180 p., 1991.

Givet et sa région à travers les siècles. 25 x 30. 180 p. en quadrichromie, 2015.

- en coédition avec le Musée de l'Ardenne :

Mézières. Les fortifications et la citadelle. 20 x 25,5. 92 p., 2005.

     La tarte au riz de Maigret chez les Flamands

 

    En 1928, d’après l’excellente biographie de Pierre Assouline sur Georges Simenon1, « il décide de mettre les voiles, au propre comme au figuré. (…) Il acquiert une embarcation plutôt qu’une voiture et passe son permis de capitaine-conducteur de bateaux à moteur. C’est à Maisons-Laffitte qu’il trouve La Ginette, un canot de 4 mètres de long pour une largeur d’1,60 mètre, à la jauge nette de 0,80 tonneau. Fabriquée aux chantiers De Conninck, elle lui a coûté 5 800 francs, y compris le moteur Johnson de 3 CV, la tente qu’il y fait installer et le canot transportant le matériel de camping, que le bateau traînera au bout d’un filin.

    (…) La navigation a son propre langage, le vocabulaire des mariniers et éclusiers, le seul à révéler la magie des fleuves et l’esprit des canaux pour lesquels il ne tarde pas à s’enthousiasmer. »

    L’année suivante, La Ginette ne lui suffit plus et il fait construire à Fécamp « L’Ostrogoth, un cotre taillé pour la mer (10 mètres sur 4, 20 tonneaux). (…) Durant ces années 1929-1930, le « capitaine » Simenon et son équipage voient du pays, de la Meuse à la Laponie Finlandaise en passant par Liège, Maastricht, le Limbourg belge et hollandais, Amsterdam, le Zuiderzee, Stavoren, Delfzijl, Emden, Wilhelmshaven puis, à bord d’un navire régulier, le cap Nord, Kirkenes… Cette vie-là ne relève plus du tourisme, mais d’un virus : la vie sur l’eau. Désormais, pour Simenon, il n’y a qu’une sorte de bateau : « Celui sur lequel on vit, le bateau-home, la maison qui flotte, le bateau qui est un nid où, par mauvais temps, quand l’orage éclate, quand la mer se démonte, on a sa place sèche et chaude, intime. »  

    Pendant ces longs mois durant lesquels il se déplace avec son domicile fixe, Simenon semble s’immerger dans la géographie humaine pour mieux fuir l’Histoire immédiate. Il est dans une situation idéale, romantique à souhait sur laquelle les événements n’ont pas prise à moins qu’ils ne le rattrapent sans prévenir. »

    Le 15e Maigret2 qui se déroule à Givet : Maigret chez les Flamands3, publié en mars 1932, est né très certainement au cours d’une escale à la ville-frontière, même s’il a été écrit en janvier 1932 aux Roches-Grises, Cap d’Antibes (Alpes-Maritimes).

    On peut trouver d’excellentes raisons de relire Maigret comme les a listées4 Gilles Heuré de Télérama. Dans Maigret chez les Flamands, on peut relever la plus importante : il pousse à son point ultime sa ligne de conduite qui, la plupart du temps, le mène à ne pas juger les assassins, en n’arrêtant pas cette fois la coupable !

    Notons aussi la description du milieu des mariniers ainsi que celle d’une ville et d’un fleuve, sous de fortes intempéries incessantes, qui incitent fortement, à elles seules, à la lecture de ce roman “ardennais”...

    Enfin Maigret y découvre, dans le premier chapitre une fameuse spécialité belge : « Elle apportait une cafetière fumante. Elle en remplissait trois tasses. Après une nouvelle disparition, elle revenait avec une tarte au riz. 

    (…) Et Maigret questionnait en mangeant de la tarte épaisse.

    (…) Encore un peu de café ?… Un morceau de tarte ?... C’est Anna qui l’a faite…

    (…) Un morceau de tarte, monsieur le commissaire ?... Non ?... Alors, un cigare ? »

    Au chapitre VII, Maigret s’invite : « - Qu’est-ce que vous faites, demain après-midi ?

    - Comme tous les dimanches… Nous restons en famille… Il ne manquera que Maria…

   - Vous permettez que je vienne vous présenter mes hommages ? Peut-être y aura-t-il de cette excellente tarte au riz ? »  

    Cette rencontre dominicale est racontée au chapitre IX. Mme Peeters « posait sur l’assiette de Maigret un grand quartier de tarte au riz.

    (…) Et Maigret, la bouche pleine, s’adressait à Mme Peeters.

    (…) Voulez-vous me donner un morceau de tarte, mademoiselle Anna ?... Non, pas aux fruits, je reste fidèle à votre magnifique tarte au riz… C’est vous qui l’avez faite ?

    - C’est elle ! se hâta d’affirmer la mère. »

  ________________________

    Dans son livre, Le cahier de recettes de madame Maigret5, son ami Courtine (La Reynière) propose cette recette de tarte au riz :

    « Préparer une pâte avec 250 g de farine, 125 g de beurre, 5 g de sel et 1 dl d’eau. Enfermer la boule de pâte dans un papier sulfurisé et la tenir ainsi quelques heures.

    Abaisser la pâte. Et garnir une tourtière beurrée. Piquer le fond à la fourchette.

    Laver soigneusement 180 g de riz. Le jeter dans l’eau bouillante et le cuire 5 minutes. Égoutter.

    Verser alors ce riz dans 1 l de lait bouillant dans lequel on aura mis 1 gousse de vanille Bourbon. Cuire à feu très doux, sans remuer, ½ heure. Ajoutez alors 100 g de sucre en poudre et cuire encore ¼ d’heure.

    Retirer la gousse de vanille. Mélanger au riz au lait des raisins de Corinthe macérés dans du rhum blanc et des fruits confits hachés. Garnir la tarte de ce mélange. Cuire au four ¼ d’heure. Poudrer de sucre et laisser refroidir. »

    Courtine précise : « Si l’on peut utiliser du lait non pasteurisé, ce n’en sera que meilleur. Avec la tarte au riz, Maigret boit un petit verre de genièvre. »

    À défaut d’avoir trouvé la recette de la tarte au riz de Bouillon ou de Bohan, chère aux “Ardennais de France”, voici celle de Verviers :

    Deux adaptations télévisées de ce livre ont été tournées. Celle avec Jean Richard, en 1976, dont vous pouvez lire le compte rendu :

Clic sur l'image >>>>>>

 

 

    Celle avec Bruno Cremer date de 1992 et n’a pas été réalisée dans les Ardennes. Certes, le panneau routier Givet apparaît dès le début du téléfilm, mais la silhouette des chevalets des mines qui se profile à l’arrière-plan prouve qu’il a été tourné en pays minier, très certainement à Douai. Et c’est l’Escaut à Bléharies6 qui remplaça la Meuse…

Jacques Lambert

Simenon et L’Ostrogoth.

     La plate de Florenville

 

source : http://tomodori.com/

    En conclusion de l’article sur la corne de gatte (n° 11 du Journal de confinement), nous annoncions une information sur une célèbre, mais trop peu connue chez nous, pomme de terre, produite à quelques kilomètres des Ardennes françaises : la plate de Florenville.

    C’est qu’elle bénéficie, excusez du peu pour une “patate”, depuis le début des années 2010 d’une IGP (indication géographique protégée), reconnue par l’Union européenne.

    En effet, cette variété de Rosa est la spécialité d’une petite région « limitée à un terroir de sols sableux et calcaires dans la commune de Florenville et les communes voisines1 ». Elle bénéficie du label « Terra Nostra », label de qualité des pommes de terre wallonnes lancé par l'APAQ-W (Agence wallonne pour la promotion d'une agriculture de qualité)2.

Ne ratez pas, si elle est maintenue, la 21e Fête de la plate de Florenville, le 21 octobre 20203 !

 Jacques Lambert


2 Ibid.

 

De la plate de Florenville à profusion lors de la fête qui la magnifie chaque 3dimanche d’octobre.

 

Deux recettes :

La « touffaye » : pommes de terre étuvées

Source : https://www.florenville.org/fr/produits-locaux-fr

    

     Cette préparation simple n'est pourtant pas si facile à réussir. Il faut, en effet, des ingrédients de qualité, le savoir-faire et la patience. Dans une marmite en fonte, faire bien brunir, mais sans brûler, des lardons, des morceaux de viande de porc (collier et basses côtes), ensuite des échalotes et des oignons découpés. Ajouter des pommes de terre « plates de Florenville » (appelées aussi « becs »), du thym, du laurier, un peu de sel,

 du poivre et de l'eau. On ajoute parfois des petites saucisses fumées. Au cours de la cuisson lente et prolongée (+/- 2 heures, avec des pommes de terre de qualité), les pommes de terre vont prendre la coloration brune des éléments de départ. Cette préparation sera servie en plat unique, accompagnée d'une bonne salade vinaigrette à base de pissenlits ou d'endive frisée.

 

 

 

vous propose

Cabillaud, d’Ostende à Florenville

https://www.leverrelassiette.be/fr/cabillaud-dostende-a-florenville

 

 

     La page des jeux - 1 - Châteaux des Ardennes - Philippe Duplayé

Solution dans le journal n° 16

Téléchargez

le jeu   >>>> 

 

     La page des jeux - Solutions Jeu 1 du journal n° 14 - Les outils - Pascal Chagot

1. La gourde crapaud : récipient pour recevoir les boissons lors des travaux en agriculture.

Voir aussi l'article sur la fenaison : clic ici

et la vidéo de chu-nous : clic

 

 

2. La pince à sucre : quand le sucre était sous forme de pain ou de bloc.

 

     La page des jeux - Solutions Jeu 2 du journal n° 14 - Sudoku - Jean-Marie Jolly

       Les photos de confinement :  Marc Stampfler (2e partie)

 

    Nous quittons les Ardennes pour une deuxième escapade (voir Journal de confinement n° 14 pour la première) bien au-delà du cercle des 100 km imposé du 11 mai au 2 juin.

    Marc Stampfler, qui regrette que le Mont Ventoux ne soit pas rattaché aux Ardennes, nous invite à découvrir la deuxième série de ses photos de balades de confiné au pied de cette butte mythique avec des bestioles exotiques pour nous, Ardennais.

Pour visualiser l'album (7 photos) : clic sur l'image

   L'index des journaux de confinement - Elisabeth Lambert

Tous les thèmes abordés

dans les journaux précédents

(numéros 1 à 14)

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   La lettre n° 79 de Terres Ardennaises d'avril 2020

 

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terres.ardennaises@free.fr