Le
11 novembre 1918 à 11 heures, Octave Delaluque
sonnait le « Cessez-le-feu » de l’armistice à Vrigne-Meuse.
Dix minutes avant, Augustin Trébuchon, agent de
transmission dans le même bataillon du 415e
régiment d’infanterie, avait été tué, un ultime
message à la main. Il a été le dernier soldat
français de la Grande Guerre mort au combat sur le
front occidental.
Depuis
octobre, le 415e RI participait à
l’offensive générale en direction de
Charleville-Mézières et Sedan pour repousser l’armée
allemande qui refluait vers les frontières. Après
avoir traversé l’Aisne, les 1er et 2
novembre, la 163e division du général
Boichut emprunte « le toboggan de la victoire », à
travers le sud-est du département pour atteindre la
Meuse le 8 novembre alors qu’à Rethondes, les
plénipotentiaires allemands commençaient à négocier
les conditions d’armistice avec le maréchal Foch.
Pendant les négociations, le front se figea et
chacun retint son souffle en attendant la signature
et la délivrance. Pas question de se faire tuer le
jour de l’armistice !
Malgré les
fatigues et l’absence de moyens de franchissement,
la 163e division reçut pourtant le 9
novembre l’ordre surprenant de « franchir la Meuse,
coûte que coûte, n’importe où et sur n’importe quoi
» et, bien sûr, sans délai ! Une opération
improvisée dans la précipitation dont dépendait,
paraît-il, la signature de l’armistice ! Le 415e
RI, commandé par le chef de bataillon Charles de
Menditte, réussit courageusement à conquérir une
tête de pont au nord de la Meuse et à la conserver
désespérément jusqu’à l’heure de l’armistice mais au
prix de lourdes pertes. Cette opération contre la
Garde prussienne fut le dernier engagement de la
Grande Guerre sur le front occidental.
Mené par un
modeste régiment, ce fait d’armes extraordinaire et
initialement voué à l’oubli fait toujours l’objet,
depuis un siècle, d’un « pèlerinage » initié par les
anciens combattants puis poursuivi par leurs
descendants. Chaque année, en vertu d’un pacte
solennel entre les rescapés du régiment et les
habitants du village qu’ils avaient libéré, la «
grande famille » du 415e RI se rassemble
le 11 novembre autour des tombes des soldats du
régiment dont Vrigne-Meuse avait obtenu la garde en
1921, puis du monument de l’armistice, inauguré en
1929 par les généraux Gouraud et Boichut,
gouverneurs de Paris et de Strasbourg, en souvenir
des combattants qui luttaient encore le jour de
l’armistice. Un bel exemple de fidélité à la mémoire
des poilus de la Grande Guerre.
Pour réaliser cet ouvrage, Alain Fauveau, général
(2S) de l’Armée de terre, a exploité les archives de
son grand-père Charles de Berterèche de Menditte
(1869-1931) qui commandait le 415e régiment
d’infanterie à Vrigne-Meuse lors de l’offensive sur
Mézières et Sedan jusqu’au jour de l’armistice en
novembre 1918, celles du Service historique de la
Défense, et les récits, témoignages ou souvenirs
d’anciens combattants du régiment conservés à Vrigne-Meuse
ou par leurs descendants.