La revue N° 147

 

 

 

N° 147 - Juin 2019

Éditorial

« Jean, Yves, nous vous avions en grande estime »

II est des éditoriaux qui ne sont ni agréables ni faciles à écrire, celui-ci en est le meilleur exemple. Tout d'abord parce qu'il annonce la disparition d'un des piliers des Éditions Terres Ardennaises, Jean Clerc, et, aussi, celle d'Yves Kretzmeyer, fidèle serviteur des Ardennes.

Ensuite, parce qu'il faut que je persuade le lecteur, au cas où il ne connaîtrait aucun de ces deux auteurs, qu'il ne se trouve pas en face d'une rubrique nécrologique qui ne le concerne pas. Un peu, comme la lecture des avis de décès du journal local n'arrête pas notre regard puisque les morts de la journée nous sont inconnus.

Certes, pour Jean Clerc, nous avons multiplié les témoignages de membres de Terres Ardennaises et d'amis et d'amies proches. Une lecture rapide peut laisser croire qu'ils se répètent - ce qui est parfois le cas -, mais j'ai le sentiment profond qu'au contraire ils se complètent. De toute façon, c'était bien le moins pour saluer celui pour qui nos Éditions comptaient tant et à qui il a beaucoup apporté.

Mais, c'est aussi une manière de revenir sur le patois, dont il était un des derniers à pouvoir dire que c'était sa langue natale, sur sa conception de la photographie qui avait irrigué son métier de formateur, et de rappeler ses actions pour avoir fait vivre localement et nationalement l'histoire ardennaise en participant à des émissions de France Culture ou en donnant des objets et outils familiaux au Musée du Vieux Nouzon et, enfin, de visiter en sa compagnie une dernière fois les Ardennes.

Ces témoignages sont accompagnés par la publication de quelques textes qu'il avait consignés -d'une écriture malaisée à déchiffrer, car il ne voyait presque plus - sur un grand cahier rouge qu'il nous avait confié.

Deux articles ont été écrits sur des sujets qui passionnaient Jean : un des « mystères » de l'histoire ardennaise (Jean-Pierre Penisson), et moi-même, je me suis penché sur un aspect particulier d'un sujet tragique qui l'avait fortement marqué : la Grande Guerre dont les récits avaient bercé son enfance avant que la Seconde n'arrive...

Si la partie consacrée à Yves Kretzmeyer est plus courte, elle se veut évocatrice de ses multiples talents : dessinateur, écrivain, scénariste de théâtre, acteur, à travers lesquels il décrivait, toujours avec verve et truculence, les Ardennes. La republication de ses planches sur l'histoire du « veau-garou » parle d'elle-même !

Dans sa « Supplique pour être enterré à la plage de Sète », Georges Brassens, qui se voyait passer « sa mort en vacances », plaignait ceux qui gisaient dans des sépultures renommées :

« Pauvres rois, pharaons ! Pauvre Napoléon ! Pauvres grands disparus gisant au Panthéon ! Pauvres cendres de conséquence ! Vous envierez un peu l'éternel estivant (...)»

Jean à Nouzonville et Yves à Angecourt reposent, eux, dans « l'humble » terre ardennaise qu'ils ont si bien racontée voire magnifiée. N'en déplaise au grand Georges, leurs cimetières valent bien celui dont il rêvait mais cela m'étonnerait que ces deux "Vaillants", infatigables travailleurs de leur vivant, s'y reposent vraiment...

Jacques Lambert